Bonjour à vous!
Cette semaine, je me penche sur le people pleasing. Côté traduction, j’ai rencontré le terme suivant : le syndrome de la suradaptation. Je trouve cette proposition assez efficace.
C’est un comportement que je rencontre souvent dans mon boulot et avec lequel - je ne crois pas me tromper là-dessus - beaucoup de personnes ont des enjeux. Je pense que l’on fait tous.tes un peu de people pleasing de temps à autre, de façon plus ou moins marquée, mais lorsque cela s’inscrit dans notre personnalité, c’est une autre paire de manches.
AJOUT : D’abord, spécifions : le people pleasing n’est pas unilatéralement mauvais, en ce sens où il peut être utile à une personne pour s’adapter à différentes situations, différents milieux, voire être une stratégie de survie. Le point que j’amène ici est vraiment dans le cas où le people pleasing devient envahissant, qu’il contribue à l’effacement de la personne et à l’émergence de problématiques relationnelles et sexologiques importantes. Ainsi qu’à une souffrance, chez celle-ci.
Mais, juste avant, voici quelques articles /chroniques à lire/écouter si le cœur vous en dit :
Je me suis penchée sur le phénomène de la prise de Viagra chez les jeunes hommes et personnes masculines pour Urbania et on m’a invitée à en parler au FM 93 à Québec;
J’ai discuté grosseur de seins au micro de Moteur de recherche;
J’ai participé aux plus récents épisodes du balado Je demande pour un ami;
J’ai discuté sexe anal avec Laure Dasinières qui tient l’infolettre Intimité·s chez Slate.fr.
Sur ce, bonne lecture! 🙂
C’est quoi le people pleasing et pourquoi on le fait ?
Lorsqu’on est people pleaser, c’est que l’on ressent une obligation d’agir en fonction de la personne ou des personnes avec qui on est en interaction. On parle de « plaire », car on est dans la volonté de satisfaire les besoins de l’autre ou des autres. La personne qui people please, ou se suradapte, met de côté ses propres besoins, envies, sentiments, limites pour être sûre que celles de l’autre ou des autres sont comblées/respectées.
J’aime beaucoup la définition qu’en donne l’autrice du livre The Joy of Saying No : A Simple Plan to Stop People Pleasing, Reclaim Boundaries, and Say Yes to the Life You Want (Haper Horizon, 2023), Natalie Lue :
People pleasing is consciously and unconsciously suppressing and repressing your needs, desires, expectations, feelings, and opinions to put other people first so that you gain attention, affection, approval, love, or validation or avoid conflict, criticism, disappointment, loss, rejection and abandonnement.
En effet, ce réflexe de vouloir plaire jusqu’à s’oublier soi-même vient souvent d’une peur du rejet et de décevoir les autres. On peut faire de la suradaptation pour différentes raisons. Lue en définit cinq :
Vouloir bien paraître (gooding). Ex. : mettre de l’avant son ou sa collègue pour montrer qu’on est team player;
Faire un effort pour réussir ou se prouver devant les autres (efforting). Ex. : une personne dans la super performance (overachiever);
Faire de l’évitement (avoiding). Ex. : dire oui à quelque chose ou quelqu’un·e pour éviter une discussion délicate;
Se sacrifier pour sauver les autres (saving). Ex. : prendre le blâme à la place d’une autre personne;
Souffrir pour prouver que l’on est bon·ne (suffering). Ex. : accepter d’être le bouc émissaire.
On peut faire du people pleasing par anxiété, par manque de confiance en soi, à cause de difficultés à s’affirmer, par peur du rejet, par crainte des conflits ou à cause de traumas vécus.
Comment savoir si on est un·e people pleaser ?
Plusieurs éléments permettent de lever un drapeau rouge et de porter attention à nos comportements afin de s’assurer qu’on ne tombe pas dans le piège de la suradaptation. Voici quelques exemples :
Avoir de la difficulté à dire non;
Avoir le réflexe de dire oui, même si on sait que l’envie n’y est pas;
Se retrouver avec 1001 projets à faire et ne plus avoir de temps pour soi;
Passer beaucoup de temps à s’excuser;
Mettre de côté voire ignorer ses propres sentiments et émotions;
Ressentir du stress ou de l’anxiété face aux réactions des autres;
Avoir de la difficulté à établir ses propres limites;
Avoir peu de confiance en soi;
Être en constante recherche de validation.
Ok, mais quel est l’impact du people pleasing sur la sexualité ?
Eh bien, il y en a plusieurs. Et ça n’affecte pas exclusivement la sexualité, mais aussi les relations amoureuses. Si l’on est constamment dans le people pleasing, il y a de fortes chances que la ou les personnes avec qui on entre en relation ne nous connaissent pas vraiment ou pensent connaître une personne qui, en fait, s’adapte continuellement aux autres. Pour réussir à être 100% soi-même avec l’autre ou les autres, c’est un peu mal parti.
Dans les relations sexuelles, cela va souvent mener à faire du spectatorisme. Ce terme fait référence au souci extrême de soi qui va pousser la personne à devenir spectatrice de sa sexualité plutôt qu’en être partie prenante. Il est alors difficile d’être dans le moment présent, car toute notre attention est tournée sur la façon dont on répond aux besoins de l’autre. Que ce soit en observant son corps à outrance (« Est-ce que mon ventre paraît ? », « Suis-je assez mince ? ») ou en remettant en question ses capacités sexuelles ( « Est-ce que je fais bien ça ? », « Est-ce que je suis à la hauteur ? »). Cette pratique fait en sorte qu’on oublie que l’on a aussi droit au plaisir et, de plus, risque d’amener des enjeux à ressentir du plaisir, voire à atteindre l’orgasme.
Du côté des relations affectives et amoureuses, cela peut aussi amener des enjeux d’écoute. Comme on est tellement à l’affût de ce qui fera plaisir à l’autre par peur/pour être bien perçu.e/etc., il y a de fortes chances qu’on ne soit en fait pas du tout à l’écoute de l’autre personne. Étant donné qu’on est tellement concentré.e.s à ne pas faire de faux pas et à ne surtout pas déplaire, on s’absente de soi et, conséquemment, de notre capacité d’empathie et… d’écoute.
Le problème, c’est qu’à force de toujours taire ses besoins et de mettre ceux des autres de l’avant, on peut en venir à vivre un grand sentiment d’injustice. Car, ultimement, on efface sa propre existence pour que les autres se sentent mieux. C’est une posture qui peut devenir tout simplement insoutenable.
Comment on s’en sort ?
Pas facile de sortir de ce type de pattern qui, souvent, a été installé dès l’enfance. On a probablement eu à faire plaisir à un parent ou un.e proche pour qui la validation passait par une capacité à lui laisser toute la place. Ce qui a certainement contribué à créer un style d’attachement anxieux.
Pour les personnes qui ont eu à vivre avec un parent ou tuteurice qui entre dans la catégorie des « parents émotionnellement immatures », je ne saurais trop vous recommander la série de livres de la psychologue clinicienne américaine Lindsay C. Gibson.
Je vais souvent proposer, en clinique, de travailler avec des phrases précises. Voici quelques exemples :
« Tu as le droit d’exister. »
Ça peut sonner drôle, mais comme le syndrome de suradaptation fait en sorte qu’on se met de côté, voire qu’on s’efface complètement pour les autres, c’est là où elle prend tout son sens. J’essaie de travailler avec la personne pour lui faire comprendre qu’elle a le droit 1) d’exister point et 2) dans toutes les facettes de sa personne. Et ce, même si cela peut déplaire à certaines personnes. Pour l’aider, je travaille aussi avec cette seconde phrase :
« Tu n’es pas à prendre à la carte. »
J’utilise souvent l’analogie du menu de restaurant pour faire comprendre à la personne qu’on ne peut pas choisir certains d’éléments d’elle sur demande, mais en occulter d’autres, parce que cela convient moins à l’autre. Qui aurait l’idée de demander à une personne d’arriver, si possible, «✅ de bonne humeur, ✅conciliante, mais, s’il vous plaît, surtout pas❌ anxieuse et❌ stressée, please. » Voyons.
Tolérer l’inconfort/accepter de décevoir
Pour réussir à se sortir du people pleasing, il faut absolument passer par ces deux cases (et passer GO et réclamer 200$. Sans blague, un peu, parce que c’est souvent beaucoup mieux pris par les autres que les gens ne le croient!).
L’inconfort, c’est plate, on n’aime pas ça, mais c’est un élément nécessaire pour avancer. Parce que c’est en confrontant nos visions du monde et nos comportements qu’on peut entrer en relation avec les autres. On ira pas très loin si on est toujours dans le consensus et que personne ne challenge nos façons de voir et de faire.
Cela implique aussi d’accepter de décevoir les gens. Surtout ceux et celles qui tirent un bénéfice de votre tendance à vous plier à leurs besoins. On a presque tous.tes une propension à vouloir être aimé.e.s et validé.e.s. Il peut donc être difficile de s’exposer volontairement à leur mécontentement, et à la crainte qu’iels vous rejettent. Mais souvent, ce n’est pas du tout ce qui se passe. Parce que vous tentez de mettre en place ce qu’elles et eux se donnent le droit d’avoir : des besoins et des limites.
J’aime bien l’image du cercle. Imaginons qu’on a tous.tes un cercle autour de soi. C’est votre espace vital, votre limite face aux autres. Lorsqu’on est dans le people pleasing, ce cercle peut être très vaste. L’idée, quand on travaille à sortir de la suradaptation, c’est de réduire ce cercle. Plusieurs personnes ont souvent la peur qu’on soit en train de complètement fermer le cercle et que, par le fait même, cela les change aux yeux des autres. Non seulement, nous ne fermons pas le cercle, mais nous l’ajustons pour que la personne ait l’aisance de prendre ses propres décisions, mais aussi qu’elle puisse continuer à voir des interactions saines avec les autres.
On peut donc commencer doucement en disant non à des petites choses qui peuvent sembler anodines, mais qui vont permettre d’installer un terrain plus solide pour augmenter tranquillement ce cercle. Et, au fur et à mesure, on augmente les défis. L’idée étant de donner l’occasion à la personne de s’habituer à recevoir la réaction des autres. Qui, souvent, est positive! Les personnes qui s’en offusquent sont souvent celles qui ont des comportements abusifs et qui utilisent, plutôt qu’apprécient, la personne. Cela permet même souvent de faire un beau grand ménage de relations qui sont inéquitables et qui aspirent l’énergie plutôt qu’elles n’en offrent…
Pour finir…
En espérant que cela vous aide un peu à mieux comprendre certains mécanismes derrière le people pleasing. Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet, c’est pourquoi je vous laisse quelques liens à consulter pour approfondir le tout :
Être trop gentil : le people pleasing ou le syndrome de la suradaptation;
Êtes-vous un "People Pleaser" ? 8 signes identifiés par les psychologues
À découvrir
Je vous laisse cette semaine sur ce magnifique livre d’une collègue et amie précieuse, Maude Painchaud Major, qui, je vous l’assure, trouvera une belle place dans la bibliothèque de vos ados. Mais qui peut totalement être lu par des adultes! De par sa grande expérience auprès des jeunes en offrant des ateliers d’éducation à la sexualité, Maude arrive, avec justesse et en acceptant de partager ses propres expériences, à nous faire comprendre à quel point « parler sexe » est important et crucial, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour toute personne qui a envie que cet aspect de sa vie soit plus ouvert et libre. À découvrir sans faute.
Je vous dis bon w-e et à très bientôt! 🙂
Myriam
Outre que là suradaptation est liée à nos moyens de survie ( un bébé fait ce qu’on attend de lu, répondre au sourire, au babillage..) j’ai utilisé une technique suggérée par ma psy-coach : je n’arrivais pas à dire non à monsieur l’ex. Je l’ai renommé dans mon répertoire « je vais voir ce que je peux faire « et j’en ça marche : je dis beaucoup moins un oui-réflexe. Et plus souvent « je vais voir ce que je peux faire « . Je progresse !
Salut! Petite réflexion sur la suradaptation. Je ne suis pas d’accord que ce soit quelque chose de 100% négatif dans la mesure où moi, par exemple, à cause de mon handicap, c’est devenu un outil qui me permet de me surpasser dans toutes les sphères de ma vie. Je me reconnais dans plusieurs aspects de ce que tu décris du people pleasing, mais pas du point de vue d’une problématique. Je pense que la faculté de se suradapter peut être une partie de la personnalité d’une personne sans automatiquement devenir le symptôme de quelque chose de plus grave. Je crois surtout que ça part d’un mécanisme de survie, mais que ça peut devenir un outil et effectivement, ça peut devenir malsain pour certaines personnes. Mais il y a des gens pour qui ça devient une seconde nature parce que ça leur permet de se dépasser, dans la mesure où ils le font de façon consciente et respectueuse envers eux-mêmes. Je ne serais pas où je suis dans ma vie présentement si je n’avais pas assumé mon petit côté people pleaser à plusieurs étapes. Il ne faut pas généraliser que ça devient un problème pour tout le monde non plus. C’est du cas pas cas.