Pourquoi la non-monogamie est si populaire ?
Ou comment cette infolettre ne sera plus tout à fait la même.
Voilà plusieurs mois que je tergiverse avec le format de cette infolettre. La vérité, c’est qu’en 2024, je trouve de plus en plus absurde de faire une revue de presse des nouvelles sexologiques, car il y a des tas de sites et applications qui le font déjà très bien pour vous. Cela m’a donc amené de grands questionnements sur le but de cette missive. Et je pense avoir trouvé quelque chose qui 1) m’emballe et 2) sera plus pertinent que de simplement colliger les informations les plus à jour sur le grand monde de la sexologie.
Je veux humaniser cette infolettre en y ajoutant mon grain de sel de sexologue. J’ai envie de vous parler de ma pratique, de vous donner des trucs et astuces, de réfléchir à nos tabous et comprendre pourquoi certaines tendances émergent, mais également comment la culture populaire influence (et parle de, dépeint) nos sexualités. Je partagerai aussi des coups de cœur pour des productions culturelles qui m’ont inspiré, bouleversée, fait réfléchir. Ce sera un work-in progress, le temps que je me fasse la main sur ce nouveau format.
J’espère que vous embarquerez avec moi dans cette nouvelle aventure. À celles et ceux à qui cela parle moins, je comprendrai totalement si vous ne suivez pas. On se dit sans rancune et à la revoyure dans d’autres contextes. :)
Bref, allons-y! 😉
Des nouvelles en vrac
J’écris maintenant pour Urbania et j’ai discuté de perte de désir et du film-événement Saltburn;
Le 8 février prochain, je propose une seconde soirée #VINOSEXO au Bar Minéral à Montréal sur le thème du désir;
J’ai écrit un second livre et je vous en parle très bientôt!
Questionner la monogamie
Il n’y a pas à dire, la non-monogamie et, particulièrement le polyamour, ont la cote ces temps-ci. Le New York Magazine en a fait sa page titre (avec des chats!) dans son édition du 15 au 28 janvier 2024, le New Yorker en discute, sans oublier The Guardian, le New York Post, le Time Mazgazine et les articles qui réagissent aux propos de Whoopi Goldberg qui, dans la populaire émission The View, s’est portée à la défense du polyamour. Bref, d’où vient ce regain d’intérêt envers ces diverses façons d’éclater les relations? Voici quelques pistes de réflexion et observations que j’ai pu faire dans le cadre de mon travail.
La pandémie a secoué nos relations personnelles
On est fatigué.e.s d’entendre parler de la pandémie, mais il demeure que celle-ci a amené d’importantes remises en question face à nos relations amoureuses, affectives, intimes, amicales et sociales. De nombreuses personnes se sont demandé si la monogamie représente vraiment ce à quoi elles aspirent, relationnellement parlant. Pour plusieurs couples, la proximité 24h sur 24h a été peu évidente et a amené des questionnements sur le fonctionnement de la relation, mais également ses fondements. Il n’est pas évident de continuer à érotiser son.sa partenaire lorsque l’on se voit sans cesse (et en mou qui plus est) et que nos interactions sociales se résument à celles vécues sur Zoom.
La situation pandémique a aussi atteint nos relations d’amitié et tous nos liens sociaux de façon générale. Plusieurs se sont promis, en sortant de là, de privilégier ces relations qui ont été mises à mal. Conséquemment, cela a créé des réflexions sur le rôle du couple et ce à quoi il contribue dans sa vie. On a pu donc constater que plusieurs ont voulu élargir l’horizon des possibles en explorant la non-monogamie.
La monogamie n’est pas pour tous.tes et… n’apporte pas toutes les solutions
Même si le modèle monogame est celui imposé par notre société, il reste que de nombreuses personnes s’y sentent enfermées. De plus, que la monogamie soit le mode relationnel privilégié n’enlève en rien le fait qu’elle n’est pas exempte de failles. Séparations, divorces, conflits, infidélités, entre autres, nous rappellent qu’il n’y a pas de configuration relationnelle parfaite, et ce, même si elle nous est inculquée dès notre plus jeune âge.
À LIRE : Non monogamie ou les nouvelles configurations amoureuses/ sexuelles
Qu’une seule personne réponde à tous nos besoins, c’est beaucoup demander
La monogamie fait en sorte qu’on met sur les épaules d’une seule et unique personne de nous apporter amour, support, connivence, empathie, compassion, aide parentale, sexualité, désir, etc. Dans The Guardian, l’autrice Mandy Lay Catron soulève que, dans notre ère individualiste, les gens ont tendance à voir leur partenaire comme une extension d’eux-mêmes, et espèrent non plus juste amour et soutien, mais également qu’ils soient des moyens de « croissance personnelle et de découverte de soi ». C’est énorme et, pour plusieurs, carrément insoutenable.
La non-monogamie peut donner l’occasion de diviser cette tâche entre plusieurs individus. Pas pour rien d’ailleurs, que de plus en plus de gens réfléchissent à la pluriparentalité, par exemple, afin d’offrir à l’enfant (ou aux enfants) à naître, la possibilité d’avoir plusieurs adultes sur qui compter et créer une famille élargie. Comme on dit, ça prend un village pour élever un enfant. Et rien ne dit que ce village ne peut pas être, en plus, constitué de gens qui ont décidé de redéfinir les limites de l’amour.
Une volonté d’explorer, de mieux se connaître et… de liberté
À travers les horaires hyper chargés, la charge mentale, parentale, l’injonction au self-care, la pression à être la meilleure version de soi, il est normal de se sentir étouffé.e. Ce l’est également de vouloir trouver un peu d’espace de liberté. Explorer la non-monogamie peut être une façon de sortir des sentiers battus et redéfinir son quotidien, ses besoins, son univers, son entourage, etc. Beaucoup de gens en clinique nomment le fait d’avoir envie de connaître d’autres facettes de soi. Et pas seulement sexuellement. Amoureusement, amicalement, érotiquement, intellectuellement, etc. D’ailleurs, bien des personnes se font avant tout des ami.e.s en choisissant la non-monogamie!
Un éclatement des normes
Ce ne sont que quelques exemples, mais qui témoignent d’un changement de paradigme intéressant. Dans un récent sondage effectué par le site de rencontres Ashley Madison (oui, je sais, mais l’étude demeure pertinente) sur la génération Z, on y constate que plus de la moitié des répondant.e.s sont ouvert.e.s à des relations polyamoureuses. Du côté de Match.com, c’est presque un tiers (1/3) des célibataires sondé.e.s qui ont vécu, à un moment ou un autre, une relation non-monogame consensuelle. On souligne toutefois que cela a tendance à renforcer la monogamie, car ces explorations permettraient aux gens de mieux savoir ce qu’ils recherchent dans une relation. Ce qui rejoint l’idée de mieux se connaître.
Bref, la non-monogamie connaît peut-être un regain d’intérêt, mais il demeure qu’elle a toujours existé. Cependant, elle témoigne actuellement d’un éclatement des normes que je trouve bénéfique. Parce que oui, remettre en question les codes de conduite - surtout ceux liés aux relations et à la sexualité - est plus que sain. C’est nécessaire.
À découvrir
J’aime bien le balado InPower de Louise Aubery, mais particulièrement cette discussion très sensible et touchante avec le médecin et auteur Baptiste Beaulieu. C’est rare qu’on puisse avoir accès à un professionnel de la santé aussi transparent et bienveillant et on s’en souhaite définitivement plus des médecins comme ça.
J’ai été extrêmement inspirée et emballée par ce magnifique documentaire sur Jason Logan, un créateur canadien qui utilise tout ce qu’il trouve dans la nature pour en faire des encres extraordinaires. C’est beau et doux. On peut le visionner gratuitement sur le site de l’ONF.
Merci toujours et encore de nos partager tes opinions et points de vue sur ces thématiques si intéressantes de la sexualité :) BRAVO