Ceci est un texte un peu plus personnel.
J’ai pris un peu de temps pour moi après une semaine complètement absurde et surréaliste. Je suis tombée dans un état second, à ce moment, et j’ai eu besoin de recul. Cela m’a amené à réaliser qu’il y avait urgence. L’urgence de ralentir.
Être au cœur d’une tempête médiatique pour laquelle on n’a rien mis en œuvre et qui arrive comme une flambée (!), ça oblige à faire un pas de côté et se dire: MAIS DANS QUEL MONDE VIVONS-NOUS?
J’ai eu besoin de fermer cellulaire, iPad, ordinateur et cie afin de stopper le tourbillon de réactions, mais surtout, le tsunami de pensées qui m’ont assaillie à ce moment. Mon corps et mon cerveau ont eu besoin de dire : STOP.
Nous sommes si pressé.e.s. Je le suis aussi. Mes journées sont rapidement remplies, je m’efforce de suivre l’actualité sexologique, de faire des formations, de rester à jour, de lire en quantité, de m’informer constamment sur les tendances, de m’assurer d’avoir les réponses pour ma clientèle. Mais, le pire, c’est que je nomme tout le temps, dans mes suivis, l’importance de ralentir. De se donner le temps. De vivre un peu plus dans le moment présent. Je sais très bien que la plupart des choses - changements souhaités, amélioration d’une situation/condition, réalisations personnelles - prennent du temps. Mais il est si facile de l’oublier. Et tout concourt à voler notre précieuse attention.
Retrouver son attention
D’ailleurs, dans le train pour un mini-voyage improvisé de vidage d’esprit bien nécessaire, j’ai lu cette chronique de Rose-Aimé Automne T. Morin sur l’ennui. Ce qui m’a ensuite mené à cet épisode de l’émission Les idées folles sur l’attention. Il m’arrive souvent de tomber sur des éléments (émission de télé, chronique radio, livre, citation, etc.) qui concordent pile poil (et par hasard) avec mon état d’esprit. Ces synchronicités me bouleversent chaque fois.
J’ai donc été happée par cette lecture et cette écoute. Et j’ai trouvé que c’était si juste : il n’y a plus d’ennui. Notre attention est continuellement captive, prise au piège de nos divers gadgets intelligents, du travail, des plateformes sociales et cie. Je sais; je ne vous apprends rien.
Mais, personnellement, j’ai constamment (et de plus en plus) le tournis en voyant tout ce qu’il m’est possible de faire, tout ce qui peut être ingéré comme information et tout ce qu’il y a à alimenter par la suite. C’est colossal. J’en suis souvent à la fois émerveillée, mais aussi complètement terrassée. Paralysée.
Ce besoin de ralentir
Alors je travaille fort pour retrouver ma tête, mon cœur et mon corps. Parce que oui, je crois que tout ceci monopolise notre être entier et nous empêche de retrouver une certaine insouciance, une forme de légèreté qui nous permet de continuer à aller de l’avant et ne pas simplement être accablé.e par tout ce qui va mal et ne tourne pas rond. Je répète souvent, ces temps-ci, que je ne veux pas finir ma vie en n’ayant pas vu mes journées passer. Je veux être présente. Je veux voir le temps qui passe. Et, si je me fie aux gens autour de moi autant qu’aux personnes que je rencontre en clinique, on a tous.tes bien besoin de RALENTIR. Pas juste se mettre une crème hyaluronique ou aller au spa*.
J’ai été fortement marquée, dans les derniers mois, par ma lecture de Politiser le bien-être (Binge Éditions, 2023) de Camille Teste, animatrice de l’excellent balado Encore heureux. Cet ouvrage m’a amené de nombreuses réflexions sur notre façon (la mienne aussi) d’embarquer dans une glorification du fameux self-care. Soyons clair.e.s; valoriser le bien-être, c’est génial. Mais la manière dont on le fait actuellement ne tient pas en compte des conditions sociales et politiques dans lesquelles ce bien-être est permis et possible. Le terme est d’ailleurs parlant: il peut se traduire par « soins auto-administrés ». Donc, pour aller bien (ou mieux), on compte sur… soi-même. Pas pour rien que la tâche peut sembler colossal et qu’on ne sait souvent pas par où commencer.
Une révolution du bien-être
Teste explique que les pratiques actuelles de self-care sont contraintes. Elles tiennent souvent beaucoup plus de l’injonction que d’un réel désir d’émancipation, sans oublier qu’elles découlent aussi énormément du… marketing. On recherche un équilibre pour avoir moins envie de crever et, pour ce faire, on nous vend des probiotiques et des chandelles parfumées. (Encore faut-il qu’on puisse se les payer).
L’autrice le dit bien :
« […] même en nous livrant de façon rigoureuse à toutes les pratiques de bien-être qui existent sur cette planète, il est peu vraisemblable que, dans le monde qui est le nôtre, nous parvenions à atteindre un quelconque équilibre intégral […] » - Politiser le bien-être, p. 84
Je crois que nous nous étourdissons beaucoup avec le travail, les échanges en ligne et en alimentant l’appétit sans fin des plateformes sociales. Et c’est normal; le monde va si mal. Mais je crois aussi que nous avons urgemment besoin de recommencer à nous ennuyer. À rêvasser. À trouver le temps long. Pour retrouver sa créativité. Pour s’offrir l’occasion de revenir un peu à soi et à ses réels besoins et envies.
Une forme de résistance
Dans son ouvrage, Teste cite Tricia Hersey, autrice de Rest Is Resistance : A Manifesto (Little, Brown Spark, 2022). Je suis allée chercher un extrait de son livre qui, je crois, exprime bien pourquoi le repos et le temps d’arrêt sont cruciaux à notre bien-être collectif :
We are socialized into systems that cause us to conform and believe our worth is connected to how much we can produce. Our constant labor becomes a prison that allows us to be disembodied. We become easy for the systems to manipulate, disconnected from our power as divine beings and hopeless. We forget how to dream. This is how grind culture continues. We internalize the lies and in turn become agents of an unsustainable way of living. […] - Tricia Hersey
Ralentir, donc. Souffler. Produire moins. Prendre le temps de respirer. Extrêmement difficile à faire dans notre époque actuelle et nos systèmes en place, mais ô combien nécessaire. La solution ne sera pas individuelle, mais en attendant, à force d’être nombreuses et nombreux à s’offrir des pauses vitales dans ce rythme de fou, peut-être serons nous assez reposé.e.s pour entamer une révolution.
Je n’ai pas 1000 façons d’arriver à stopper, mais voici quelques trucs que j’ai intégrés à ma routine et qui me font du bien. Je ne dis pas que j’y arrive toujours, mais j’essaie le plus possible :
Mettre mes applications non nécessaires en mode barré de 21h à 7h;
Laisser mon cellulaire dans mon bureau la nuit;
Essayer de commencer ma journée sans débuter avec la consultation de mon cellulaire;
Aller au gym 3 fois/semaine et utiliser ce moment pour juste écouter de la musique ou un balado que j’aime, sans consulter mes courriels ou d’autres applications;
Prendre le temps de noter trois choses positives de ma journée (rien d’extraordinaire, ça peut être juste d’avoir mangé un bon repas);
Me faire un espace brain dump dans mon agenda;
Lire plus de fiction avant de dormir pour m’évader;
M’offrir des moments de lecture sexo dans la journée (je suis travailleure autonome, ça aide!);
Prendre des marches.
Sur cette réflexion bien personnelle, je nous souhaite de véritables moments de bien-être transformateurs et de collectivement chill the f*** out une fois pour toutes.
*Si ça vous fait du bien, surtout ne vous en privez pas! Je pense juste que nos solutions doivent être plus profondes et pas juste individuelles.
Qu'est ce j'apprécie ce genre de post "coup de pied dans la fourmilière "! Il y a tellement à dénoncer dans notre société ! Merci de faire partie de ceux et celles qui œuvrent à leur niveau pour changer les mentalités et ouvrir les esprits